Litteratie-bandeau-dossier

La création d’environnements pro-littératie, une approche organisationnelle

Logo Cultures&Santé

Un environnement pro-littératie peut être défini comme un lieu dont l’organisation spatiale et physique ainsi que sociale (via la mobilisation des professionnels qui y travaillent) est pensée de manière à favoriser l’exercice de la littératie en santé des personnes qui le fréquentent.

Cultures&Santé
Association belge de promotion de la santé, d’éducation permanente et de cohésion sociale

L'association Cultures&Santé est active sur la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle réalise des outils pédagogiques et documentaires. Elle met en œuvre et soutient des actions de promotion de la santé.

Pour véritablement tenir compte et agir sur le niveau de littératie en santé des publics, il est recommandé de créer des environnements favorables (« pro-littératie ») en complémentarité des interventions auprès des publics. Quels sont les principaux enjeux que vous identifiez sur ces questions ?

Par sa définition même, le concept de littératie en santé invite à porter son attention avant tout sur les compétences individuelles. Ces compétences sont d’abord celles des personnes à traiter les informations pour leur santé : comprennent-elles les informations ? Sont-elles capables de les évaluer et de les mettre en application ? Assez naturellement, dans un second temps, le concept nous invite à nous pencher sur les compétences des professionnels qui transmettent ces informations : sont-ils clairs et accessibles ? Tiennent-ils compte des contextes de vie de leur public ? Notre propos ici est de sortir de ces approches centrées exclusivement sur les individus pour proposer une troisième voie complémentaire, celle qui consiste à agir sur l’environnement qui les entoure afin que celui-ci soit soutenant dans l’exercice des compétences en santé.

Cette approche fait partie de ce que certains auteurs appellent la littératie organisationnelle en santé. La littératie en santé est ici appréhendée de manière collective et structurelle. Il revient à l’organisme [1] la responsabilité de tenir compte du niveau de littératie en santé de ses usagers afin de leur rendre la navigation, la compréhension et l’utilisation des informations et des services plus faciles [BRACH C., 2017] Dans ce cadre, un levier sur lequel une organisation peut agir est celui de son environnement physique et social. En effet, celui-ci a une influence sur l’exercice de la littératie en santé des personnes qui le fréquentent. Par exemple, pensons à la signalétique dans les hôpitaux qui permettent une meilleure circulation, aux supports d’information de prévention laissés dans une salle d’attente qui amènent le patient à initier un dialogue à ce propos avec son médecin, à l’installation de cloisons insonorisées qui rendent un entretien plus sécurisant, à la création d’une ambiance sereine et de confiance qui diminue l’anxiété avant un rendez-vous médico-social...

Concrètement, un environnement pro-littératie peut être défini comme un lieu dont l’organisation spatiale et physique ainsi que sociale (via la mobilisation des professionnels qui y travaillent) est pensée de manière à favoriser l’exercice de la littératie en santé des personnes qui le fréquentent. À ce titre, les lieux d’accueils tels que les salles d’attentes représentent des endroits propices pour y prendre en compte la littératie en santé. Avant une consultation, les questions foisonnent et les états émotionnels fluctuent. Entre inquiétude, impatience ou soulagement, la situation entrave souvent l’accès aux informations, leur compréhension ou leur évaluation. Penser la salle d’attente en tenant compte de l’impact de l’état émotionnel sur les capacités des personnes pourrait limiter celui-ci.

Afin d’explorer cette troisième voie, nous avons décidé d’élaborer une fiche concrète et pratique en nous centrant plus particulièrement sur les lieux d’accueil et les salles d’attente. Cette fiche Lisa, cinquième numéro de la série, est disponible en téléchargement sur notre site web.

Quels grands principes doivent guider les structures d’accueil du public (médical, social, médico-social…) si elles souhaitent rendre leur structure favorable à l’exercice de la littératie en santé ?

Dans son article « The journey to become a health literate organization : a snapshot of health system improvement », Cindy Brach énumère les attributs d’une organisation pro-littératie. L’un de ceux-ci est l’intégration de la littératie en santé dans les missions et les pratiques de l’organisation et le soutien par la direction. Selon elle, la littératie en santé ne doit pas être vue comme un programme séparé mais bien comme un élément qui affecte tous les aspects de la structure.

Lors de nos recherches sur le sujet (rencontres avec des organismes, documentation), nous avons confirmé l’importance d’inclure l’équipe entière dans la réflexion. Pour plus de facilité, un groupe porteur, constitué de professionnels de différents services de l’organisation, peut être désigné, ayant comme rôle de prioriser et de planifier les actions à mener en équipe.

  • Parmi ces actions, il y a la sensibilisation et la formation des professionnels de la structure au concept de littératie en santé. Ces temps de sensibilisation et de formation poursuivent des objectifs liés à la compréhension du concept (chiffres, enjeux, historique) et à l’acquisition de compétences (de communication orale et écrite par exemple). Ce sont également des moments de réflexion en équipe, de mobilisation.
  • Une autre action possible consiste à inclure les personnes fréquentant l’organisme dans les réflexions et décisions liées à la création d’un environnement pro-littératie. Cela peut se faire via la mise en place de focus groups, l’organisation de concertations…
  • Aussi, l’équipe pourra se pencher sur les documents écrits utilisés par l’organisme afin de les évaluer au regard des principes de langage clair. Qu’il s’agisse de formulaires ou de supports d’information, il est nécessaire de vérifier que ceux-ci soient clairs et faciles d’utilisation.
Et si l’on s’intéresse plus spécifiquement aux lieux d’accueil, pourriez-vous donner des exemples de démarches possibles et en quoi cela permet de prendre en compte et de développer la littératie en santé de tous les publics ?

La salle d’attente ou le lieu d’accueil est un espace emblématique. Il est souvent la première image que le public reçoit de l’organisme, c’est là que la relation commence. Cet espace permet de faire la transition entre le monde extérieur où généralement tout va vite et la consultation où il est nécessaire d’être apaisé.

Pour rendre ce lieu « pro-littératie », plusieurs aspects peuvent être travaillés : les supports visuels, la communication orale et la navigation au sein même du service ou plus largement au sein du système de santé. Pour chacun de ces points, la fiche Lisa n°5 propose des repères et des points d’attention, alimentés par une matière issue de nos rencontres et recherches.

Prenons, par exemple, la salle d’attente de la Maison médicale La Perche, située à Bruxelles. Dans ce centre de santé créé en 1977, les habitants du quartier peuvent venir consulter médecin, infirmier, kiné, psychiatre, assistant social et participer à des activités communautaires. Aux murs de cette salle d’attente, vous ne trouverez pas de message de prévention mais une exposition photo. Renouvelée chaque mois, cette exposition permet de créer un cadre agréable, unique, sécurisant et également de susciter des réactions, d’engager la discussion. Les « accueillant.e.s » dont le bureau est situé dans la salle d’attente sont là pour recueillir ces réactions, qui parfois mènent à des sujets liés à la santé.

Le cadre informel et personnalisé, la présence et la disponibilité des accueillant·e·s, sont des éléments importants pour faire de la salle d’attente ce lieu de transition que nous évoquions.  


Photo prise dans la salle d’attente de la Maison médicale « La Perche », 2019.

Dans une structure collective, le choix de ce qui est affiché ou non en salle d’attente doit être fait en équipe. S’il s’agit de messages de prévention, l’équipe doit vérifier qu’ils soient clairs, actualisés régulièrement et que tous les professionnels de la structure peuvent soit compléter l’information, soit orienter. Des campagnes visant spécifiquement le renforcement des compétences en santé pourraient également trouver leur place sur les murs de la salle d’attente. À titre d’illustration, « Ask me 3 » est un outil qui encourage les personnes à poser trois questions au professionnel concernant leur problème de santé. En vue de renforcer ces compétences, des blocs-notes et des stylos peuvent être mis à disposition afin de permettre aux personnes qui le souhaitent de préparer leur entretien.

Au cours de nos rencontres, nous avons été confrontés à la préoccupation croissante autour de la place des écrans dans les salles d’attente. Véritables capteurs de l’attention, les écrans pourraient jouer un rôle dans la diffusion de messages de prévention. Néanmoins, leur place fait débat car ils sont omniprésents dans l’espace social et considérés comme des barrières à l’interaction. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec le Comité Régional d'Education pour la Santé (Cres) Paca qui a mené le projet « En patientant » à titre expérimental. Une tablette était disposée en salle d’attente et renvoyait vers un site web composé de trois rubriques traitant de sujets de santé : « Je m’informe, Je joue, Je me teste ». De cette expérience, il ressort que ce type de dispositif est efficace s’il est introduit auprès du public par un professionnel, s’il trouve une place dans l’organisme, s’il est cohérent avec la démarche de la structure et s’il est connu des professionnels.

Une télévision est également parfois utilisée en salle d’attente pour diffuser des messages de prévention, des informations liées à l’organismes ou au planning des activités. Selon nous, l’image animée et le son permettent de transmettre des informations différemment que par l’écrit. Toutefois, nous ne disposons pas encore d’assez d’éléments et de données concernant les bienfaits ou non d’un écran dans les salles d’attentes. Comme pour tous supports, il est nécessaire que l’équipe sélectionne les informations diffusées, vérifie qu’elles soient claires et actualisées et que chaque professionnel prenne connaissance des informations diffusées pour être à même de répondre aux éventuelles questions.

Nos différentes rencontres nous ont illustrés la très large diversité des aménagements possibles des espaces d’accueil. Cependant il a été possible de dégager des principes à suivre pour leur aménagement permettant à ces espaces de renforcer l’exercice des compétences en santé des personnes. Ceux-ci sont présentés dans la fiche Lisa n°5.

Visuel du Dossier Littératie en santé

Dossier Littératie en santé

De l'accès à l'utilisation de l'information santé

Notes:

  • [1] . Nous utiliserons le mot « organisme » pour désigner toute structure, institution, organisation de santé ou du social. Ce terme comprend les cabinets privés où ne travaille qu’une personne (par exemple cabinets médicaux).