Enfants collaborant autour d'une carte au trésor

Tous concernés par les compétences psychosociales

Le cadre de la formation participe aux principes qui vont guider la formation. Avant de débuter celle-ci nous nous mettons ensemble d’accord sur des attitudes de non jugement, de communication, de partage et de coopération.
Ces attitudes se retrouvent chacune dans le développement d’une compétence psychosociale, respectivement : l’empathie, la communication, l’habileté dans les relations interpersonnelles et la résolution de problème.

Maxime Cramet
Psychologue, formateur pour le Crips (Centre régional d'information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes)
Quels sont pour le Crips les principaux enjeux liés à la formation des professionnels qui mettent en place des projets de développement des compétences psychosociales (CPS) ?

Les enjeux sont multiples, d’autant qu’il est question d’une thématique récente qui traite de compétences qui, elles, existent depuis toujours. Ce sont elles qui nous ont toujours permis de nous adapter à notre environnement.

Le principal enjeu est donc d’accompagner les professionnels à prendre conscience qu’ils possèdent déjà ces compétences et qu’elles sont d’ores et déjà mises en pratique au sein de leurs interventions. Car pour les professionnels de la prévention, ce processus de remise en question de leur pratique, l’utilisation de techniques pédagogiques actives, l’adaptation de leurs outils, … tout cela a déjà commencé à se mettre en place dans leur pratique, depuis que l’on parle de promotion de la santé. Cet exercice de prise de conscience nécessite donc de mettre des mots sur ces compétences psychosociales, afin de les reconnaître, mais aussi afin de se réunir autour d’un vocabulaire commun. Que chaque professionnel use du même langage facilite le travail en équipe : lorsqu’il est question de créer un outil par exemple, de préparer une intervention ou de rédiger un projet.

Les compétences psychosociales ne peuvent se réduire au nombre de dix, elles se déclinent et en chacune se camouflent de nombreuses autres compétences. Cela va faciliter également le partage d’expérience et l’échange de pratique car cette prise de recul sur sa posture et sur certaines situations professionnelles nécessite de mettre des mots dessus, de verbaliser et, plus nous disposons de mots, plus ce travail est précis.

Un autre objectif, est d’essayer de proposer des outils assez diversifiés afin que les professionnels puissent s’en saisir, piocher dedans comme dans une boîte à outils, puis qu’ils se sentent capables d’adapter leurs outils à chaque situation. Pour cela, nous les invitons à avoir confiance en leur capacité de créer et d’animer ces différents types d’outils.

Enfin, par le biais d’activités tels que les jeux de rôles, les mises en situation ou les travaux en groupe, les professionnels peuvent faire l’expérience de leurs propres compétences psychosociales, celles qu’ils mettent au service de la réalisation de ces activités.

Quels sont les grands principes qui guident votre formation sur les compétences psychosociales ?

Les compétences psychosociales s’expriment à la fois dans notre rapport à soi-même, à l’autre et à notre environnement.

  • C’est à travers le courant humaniste de la psychologie et notamment les écrits de Carl Rogers que nous abordons le rapport à soi et à l’autre. Dans son ouvrage « Le développement de la personne »[1] il développe l’empathie, la posture, la relation de confiance (ou « alliance ») qui sont des notions qui font échos, lorsqu’elles n’en font pas partie comme l’empathie, aux compétences psychosociales (en anglais life skills = compétences de vie).
  • Et lorsqu’on aborde le rapport à soi et à l’environnement, c’est en s’appuyant sur les théories psychosociales [2] et leurs études sur les groupes, les influences, les stéréotypes, entre autres exemples.

Ces deux approches sont complémentaires car elles permettent de décliner chacun des cinq couples de CPS et proposent à la fois une vision individuelle (par le courant humaniste) et groupal (par la psychologie sociale) de la relation. J’apprécie ces courants car ils invitent les professionnels à se sentir à l’aise avec leur posture tout en la questionnant.

Nous parlons ensemble également des interactions sociales à partir des écrits d’Eric Berne et les analyses qu’il en fait à travers les concepts de « Triple Moi », ou encore ceux des « Timbres » et des « Rackets » lorsque l’on aborde la gestion des émotions (voir références dans « Pour aller plus loin »).

Le cadre de la formation participe aussi aux principes qui vont guider la formation. Avant de débuter celle-ci nous nous mettons ensemble d’accord sur des attitudes de non jugement, de communication, de partage et de coopération. Ces attitudes se retrouvent chacune dans le développement d’une compétence psychosociale, respectivement : l’empathie, la communication, l’habileté dans les relations interpersonnelles et la résolution de problème.

Enfin, les méthodes pédagogiques actives que l’on retrouve dans la formation (débats, mises en situations, jeux de rôle, …) concourent également au développement des compétences psychosociales.

La formation CPS du Crips inclue dans un second temps une journée d’analyse des expériences menées. En quoi cette étape permet aux professionnels de prendre du recul sur leur prise en compte des principes abordés en formation ?

 Les premières fois où j’ai proposé cette formation, celle-ci durait trois journées d’affilées. Régulièrement, les participants exprimaient en fin de formation la nécessité de « digérer » les notions nouvellement acquises. Afin de s’adapter aux retours des participants, nous avons opté pour consacrer une journée à l’échange de pratiques, mise à distance des deux premières, afin de laisser le temps à l’assimilation de ce nouveau vocabulaire et de ce nouveau point de vue.

Pour l’avoir moi-même vécu lors de mes études de psychologie, beaucoup de concepts psycho-sociaux peuvent apparaître flous, ils peuvent même le rester tant que l’on n’en fait pas l’expérience. Les compétences psychosociales sont composées de certaines de ces notions qui ne font sens qu’une fois mises en lien avec sa pratique ou son vécu.

Les professionnels vont donc chacun quitter la première partie de la formation plein de notions en tête, certaines d’entre-elles un peu floues, d’autres toujours pas digérées. Ils vont reprendre le cours de leurs missions, ils pourront mettre de nouveaux mots sur les situations et faire l’expérience de ces CPS aussi bien dans leur quotidien que dans le cadre de leurs missions professionnelles.

C’est donc enrichis de nouvelles situations concrètes, d’un autre regard, d’un vocabulaire enrichi, plus à l’aise avec le sujet et peut être avec leur posture, que les professionnels vont pouvoir se réunir à nouveau afin de partager leurs expériences et d’échanger sur leurs pratiques. Recevoir un point de vue pluri-professionnel, c’est l’occasion pour eux d’enrichir leur prise de recul et de poser un nouveau regard sur des situations professionnelles, problématiques ou non.

Enfants collaborant autour d'une carte au trésor

Dossier Compétences psychosociales des enfants et jeunes ados (3-15 ans)

Notes:

  • [1] . Antoine Bioy considère que l’approche humaniste de Carl Rogers « a nourri tant la psychologie clinique, que le champ de l’éducation et l’ensemble des pratiques relevant de la relation d’aide » (2014). Dans un chapitre sur les caractéristiques des relations d’aides il développe les notions d’écoute, empathie, congruence, authenticité, non jugement, valorisation, posture ou encore alliance thérapeutique.
  • [2] . Au cours de la formation, nous abordons les expériences de Kurt Lewin et Elton Mayo sur le changement psychosocial, de Stanley Milgram et Solomon Asch sur les différents types d’influence et la résistance à la pression.