Enfants collaborant autour d'une carte au trésor

L’évaluation des programmes de développement des compétences psychosociales : enjeux et modalités

Il y a un enjeu important aujourd’hui qui est de pouvoir identifier et soutenir des équipes de recherche qui puissent produire des travaux d’évaluation sur les différents niveaux : adaptabilité, faisabilité, acceptabilité, mais également efficacité […], et ainsi contribuer à favoriser le déploiement de ces programmes.

Enguerrand du Roscoät
Responsable de l’unité Santé mentale au sein de la Direction de la prévention et de la promotion de la santé de Santé publique France.
Quels sont les enjeux et comment mener des évaluations de programmes de développement des compétences psychosociales ?
> Développer la recherche et l’évaluation sur ces sujets

On constate aujourd’hui le peu de ressources évaluatives disponibles. Santé publique France peut être en capacité d’évaluer un certain nombre de programmes, mais dans des proportions très limitées parce que c’est extrêmement coûteux. Donc, il y a un enjeu important aujourd’hui qui est de pouvoir identifier et soutenir des équipes de recherche qui puissent produire des travaux d’évaluation sur les différents niveaux : adaptabilité, faisabilité, acceptabilité, mais également efficacité sur les indicateurs qui vont intéresser les différents milieux dans lesquels ces programmes-là doivent s’inscrire ; et ainsi contribuer à favoriser le déploiement de ces programmes.

Maintenant, on commence à rentrer un peu dans l’évaluation des laboratoires, l’utilité sociale, ce qui était un petit moins le cas avant. Mais c’est vrai qu’il y a assez peu d’équipes de recherche qui travaillent sur ces axes-là.

> Vérifier l’intérêt des programmes : adaptation, efficacité et conditions d’efficacité

De manière opérationnelle, un premier enjeu de l’évaluation va être de vérifier si les programmes rencontrent un besoin et sont adaptés à nos publics et à nos professionnels, notamment à travers la réalisation d’expérimentations, de pilotes et d’études qualitatives (voir interview d’Enguerrand du Roscoät sur les enjeux et le déploiement des programmes CPS). Santé publique France fait ainsi appel à des prestataires d’études et à des partenaires notamment du milieu associatif, qui sont intéressés pour expérimenter d’autres modalités d’interventions.

Ensuite, un second enjeu va être d’aller vérifier l’efficacité de ces programmes auprès des professionnels et des publics dans les différents milieux d’interventions qui nous intéressent, par des expérimentations à plus grande échelle permettant une certaine puissance statistique. Nous allons vérifier notamment l’efficacité perçue par les professionnels dans leurs pratiques, et évidemment l’amélioration d’états de santé ou des comportements de santé des publics auxquels ces programmes s’adressent. Pour cela, il faut une certaine méthodologie, avec a minima des mesures avant / après et un groupe contrôle.

Enfin, l’évaluation vise à vérifier quels sont les déterminants ou les conditions de l’efficacité de ces programmes. C’est pourquoi il est également nécessaire de recueillir des indicateurs de processus et d’implantation (fidélité de mise en œuvre du programme, assiduité des bénéficiaires …).

> Identifier les indicateurs d’évaluation autres que ceux liés à la santé

Et par rapport à ces questions-là, l’un des enjeux et qui est notamment en lien avec la possibilité de déployer largement ces programmes dans différents milieux, va être de pouvoir également identifier d’autres indicateurs que des indicateurs directement liés à la santé.

Par exemple, pour déployer ces programmes en milieu scolaire, l’un des enjeux, sans doute, de l’évaluation aujourd’hui et demain, va être de pouvoir mettre en évidence l’intérêt de ces programmes sur des indicateurs autres que des indicateurs strictement de santé. Il s’agit notamment de mesurer l’effet de ces programmes sur l’amélioration du climat scolaire, sur la réussite scolaire, ou encore sur la réduction des violences en milieu scolaire.

La conduite de ce type d’évaluation est nécessaire au plaidoyer et à notre capacité à pouvoir convaincre nos partenaires de l’intérêt de déployer ces programmes dans des milieux qui ne sont pas directement des milieux de santé ou de soins.

> Mener des évaluations de processus

Ensuite, un autre enjeu également de l’évaluation, est de pouvoir mesurer des éléments sur le processus de mise en œuvre de ces programmes. Car si on ne mesure que l’efficacité et qu’on n’a pas de résultat, il faut savoir si c’est parce que le programme en lui-même est intrinsèquement inefficace ou si c’est parce qu’il a été mal mis en œuvre ; afin de pouvoir renseigner de façon assez précise quelles sont les bonnes modalités d’implantation et de mise en œuvre pour garantir l’efficacité de ces programmes.

> Trouver le bon équilibre entre coût et bénéfice, et notamment en intervenant dès le plus jeune âge

Enfin, en lien avec le coût que peut représenter la mise en place de ces programmes par des professionnels (notamment en termes de formation et de temps d’animation), il y a des enjeux liés à la recherche du bon équilibre entre coût et bénéfice. C'est-à-dire, quelle est la dose minimale d’interventions qui permette d’obtenir des effets intéressants sur les indicateurs qu’on souhaite voir évoluer. C’est cette double évaluation entre des éléments un peu qualitatifs autour de la faisabilité, l’acceptabilité, et également l’efficacité, qui va permettre de trouver un équilibre entre les coûts et bénéfices des interventions qu’on souhaite mettre en œuvre.

Notamment, si on regarde les travaux développés en économie de la prévention, il est démontré que pour avoir un retour sur investissement et être réellement efficace sur le long terme, il faut intervenir le plus tôt possible, et voire même avant l’école. Donc, sur les enjeux aujourd’hui du déploiement et de l’évaluation de ces programmes, on cherche à identifier et évaluer des programmes qui pourraient se déployer dès la maternelle et l’élémentaire en complément des programmes de soutien à la parentalité.

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Dossier Compétences psychosociales des enfants et jeunes ados (3-15 ans)