Le développement des CPS : une approche globale et transversale de la prévention

Quels sont les principaux enjeux que vous identifiez pour développer ou renforcer les compétences psychosociales (CPS) à la MMPCR ?

En tant que ressource pour les acteurs de prévention, nous faisons l’hypothèse que le développement et/ou le renforcement des compétences psychosociales est un levier permettant de renforcer les facteurs de protection, nécessaires à toute personne pour maintenir un état de bien-être mental et adopter un comportement positif lors de ses interactions avec les autres et son environnement. En effet, renforcer l’estime de soi et le bien-être, apprendre à s’apprécier, se respecter, à respecter l’autre, à savoir exprimer ses émotions, à gérer son stress… sont autant de ressources essentielles sur lesquelles s’appuyer face aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. Pour la MMPCR, la prévention des conduites à risques passe inévitablement par le renforcement des capacités de chacun à développer des mécanismes de protection permettant de faire face aux difficultés de la vie. Les CPS peuvent être travaillées tout au long de la vie.

Les enjeux liés au développement et au renforcement des CPS sont multiples :

• Le premier est de convaincre les professionnels intervenant dans les champs éducatifs, social, santé ou insertion de les intégrer dans leurs pratiques.
• Le renforcement des CPS, au-delà de techniques et d’outils, suppose de modifier sa posture professionnelle, d’adopter une vision positive de son public, de repérer et de renforcer les savoirs faires plutôt que les manques de ses publics pour les positionner comme partenaires et acteurs. À ces conditions, le développement des CPS peut s’inscrire dans un processus d’empowerment.
• Un autre enjeu majeur lié au développement et au renforcement des CPS est le fait qu’elles doivent être travaillées dès le plus jeune âge et surtout dans la durée. Pour cela, la mise en place de programmes de renforcement des CPS au sein d’établissements scolaires peut être un modus operandi pertinent.
• Enfin, lorsque l’on s’implique dans le développement et le renforcement des CPS, un autre enjeu reste d’intégrer les parents et l’entourage des enfants et des adolescents concernés dans la démarche. Cet aspect est crucial dans la mesure où il permet d’installer une dynamique collective autour des CPS et un travail continu puisque prolongé à la maison.

La mise en place d’un programme de CPS peut mobiliser tous les acteurs d’un même territoire. Il suppose donc un travail en partenariat pluri-professionnel et nécessite un dispositif de pilotage interinstitutionnel.

La Mission travaille depuis des décennies sur ces sujets. Comment et avec quelles évolutions les compétences psychosociales ont-elles été intégrées dans votre posture et vos pratiques ?

Avant notre mutualisation en 2013, la Mission de prévention des conduites à risques du Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis, créé en 1996, à été l’un des premiers centres ressource en France à s’intéresser aux ouvrages, aux recherches autant qu'aux outils et aux programmes de prévention fondés sur l’approche par les CPS.

Très vite, le choix a été fait de se pencher sur le comportement des consommateurs de produits addictifs plutôt que sur les méfaits des produits consommés en eux-mêmes. La parution du rapport du Professeur Philippe-Jean Parquet intitulé « Pour une politique de prévention en matière de comportements de consommation de substances psychoaffectives » en 1997 ainsi que la parution du rapport Roques intitulé « Problèmes posés par la dangerosité des "drogues" » en 1998 y ont contribué.

Dans cette démarche, la Mission de prévention des conduites à risques du Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis a rapidement acquis plusieurs programmes de développement et de renforcement des compétences psychosociales, afin de largement les introduire dans les pratiques professionnelles de l’équipe. On citera par exemple « Papillagou et les enfants de Croque-lune » créé en 1998 par l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), « Vers le pacifique » conçu en 1999 par l’Institut Pacifique de Montréal, ou encore « Contes sur moi » édité en 2003 par la Centre de communication en santé mentale (CECOM) de l’hôpital Rivières-des-Prairies de Montréal. Dans l’objectif d’amorcer une dynamique collective autour des CPS ainsi que pour initier les professionnels de la prévention à l’utilisation de ces différents programmes, la Mission a aussi mis en place des ateliers-outils et un système de prêt de ses ressources permettant une sensibilisation des professionnels de la prévention à l’approche par les CPS. Les retours d’expérience des utilisateurs, les évaluations menées au Canada par les centres spécialisés ainsi que les propres expériences professionnelles des membres de l’équipe ont réaffirmé la pertinence de ces programmes et nous ont encouragés à poursuivre sur cette voie.

Nous pouvons faire référence à deux programmes particulièrement bien adaptés au milieu scolaire et que nous avons eu l’occasion d’accompagner et d’évaluer.

> Vers le Pacifique

Programme québécois de prévention des conflits et de la violence en milieu scolaire sur la base du renforcement des compétences psychosociales, le programme « Vers le Pacifique » a été décliné durant l’année scolaire 2014-2015 dans un collège de Saint-Ouen [1] . Un an après l’expérimentation de ce programme, des résultats positifs pour tout l’établissement étaient déjà perceptibles, surtout concernant les relations élèves /enseignants, tous devenus acteurs du bien-être collectif. L’atout du programme est notamment qu’il a permis un travail de fond, dans la durée, et une comparaison avant/après très positive venant nourrir chez les professionnels la conviction de l’utilité de cette approche par les CPS.

> Mission Papillagou

«Mission Papillagou » a lui été adapté au contexte des collèges sur la base d’un outil de prévention intitulé « Papillagou et les enfants de Croc ‘Lune », créé il y a une quinzaine d’années par l’ANPAA et l’Institut Suisse de prévention des addictions (ISPA). Ce travail d'adaptation a été effectué par la MMPCR et par l'association APCIS (Stains). Ce travail préalable, s’il a été mené conjointement avec les éducateurs de l'APCIS, inclus aussi la participation d’étudiants infirmiers de l'IFSI Chaptal (Sarcelles), formés à l'outil par la MMPCR. Ce travail formatif préalable a d’ailleurs été capitalisé sous la forme d'un "guide pratique" permettant de s’approprier l'outil.

L’outil Mission Papillagou a été expérimenté avec succès sur deux collèges parisiens en 2017 et 2018 par des intervenants issus d'un collectif de structures du 19e arrondissement et accompagnés par des étudiants-éducateurs. Il est par ailleurs déployé sur tous les collèges de Stains (4) et un collège d’Epinay-sur-Seine depuis plusieurs années. En 2017 un film a été réalisé sur la mise en œuvre de ce programme (disponible sur demande).

L'action a été évaluée très positivement par le laboratoire de recherche de l’Établissement public de santé de Ville-Évrard en 2016. Les résultats montrent que l’action « Mission Papillagou » contribue à améliorer l’estime de soi des élèves les plus en difficulté, que l’action profite aussi bien aux filles qu’aux garçons et qu’elle permet de réduire les comportements problématiques tout en améliorant le climat relationnel entre les élèves.

Le projet doit se poursuivre en Seine-Saint-Denis et sur Paris. Une formation de formateurs est à l'étude pour faire en sorte que les associations puissent former elles-mêmes des étudiants destinés à venir renforcer leurs équipes.

> Les enjeux aujourd’hui : diffusion et essaimage

Aujourd’hui, la Mission Métropolitaine de Prévention des Conduites à Risques continue à promouvoir le développement et le renforcement des compétences psychosociales, encore trop confidentiel sur nos territoires.

C’est d’ailleurs en ce sens qu’un cycle de quatre demi-journées d’échanges autour du renforcement des compétences psychosociales (CPS) a été pensé et organisé par la MMPCR entre décembre 2017 et juin 2018. Ce cycle présente une diversité de programmes et d’actions de prévention par le développement des CPS, menés dans des contextes différents, avec des publics variés et permet d’en expliciter les conditions de réussite. 4 temps ont été proposés :

#CPS1 : « Comment et pourquoi implanter des programmes de développement des CPS à destination des enfants et adolescents ? »

#CPS2 : « Les programmes de renforcement des CPS : quels effets sur les élèves ? Quels impacts sur le climat scolaire ? »

#CPS3 : « Les compétences psychosociales : un levier pour ré-affirmer sa place dans la société ? »

#CPS4 : « Compétences psychosociales et petite enfance : la prévention dès le plus jeune âge ? »

Par ailleurs, nous souhaitons aussi accompagner l’Éducation Nationale de nos territoires à inscrire ces programmes dans le cadre du dispositif national du parcours éducatif de santé (PES), dont la prévention est l’un des trois axes majeurs. En effet, en référence à la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école stipulant que les actions de promotion de la santé font partie des missions de l’école, le développement et le renforcement des compétences psychosociales a été intégré, comme approche transversale, dans tous les temps scolaires en classe et hors classe. L’objectif est de développer les compétences individuelles des élèves afin de leur conférer les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et de veiller à l’améliorer. Plusieurs projets, que la MMPCR coordonne en partenariat avec l’Éducation Nationale, les services de santé scolaire, le périscolaire et les associations parisiennes, sont en projet de programmation sur Paris.