Enfants collaborant autour d'une carte au trésor

Les CPS dans une approche de santé globale des jeunes

On abandonne progressivement le débat par thématique, et on essaie de prendre en compte plutôt des situations de vie dans lesquelles n’importe quelle compétence qu’on va développer va nous servir à aller mieux, à se sentir mieux et à plus en confiance pour prendre soin de soi.

Jean-Baptiste Lusignan
Responsable du Pôle Santé jeunesse et publics prioritaires au CRIPS (Centre régional d'information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes)

Le Crips a été créé en 1988 pour contribuer à la lutte contre le VIH/Sida chez les jeunes. 30 ans plus tard, l’action du Crips s’est élargie vers la santé des jeunes de manière générale. Quels sont les principes ayant guidé ces évolutions ?

Quand le Crips a été créé, au départ c’était plutôt un organisme qui faisait de la sensibilisation auprès des jeunes, qui intervenait directement, notamment sur la thématique VIH-sida. Avec le développement des années nous avons construit le débat, les échanges avec les jeunes. Et l’expérience a montré qu’on pouvait difficilement morceler les thématiques abordées. Qu’aborder les jeunes juste sur la question du sida, ou juste sur la question de la sexualité et de leurs relations amoureuses, ça avait un impact aussi sur les relations plus larges, avec les autres personnes, dans leurs familles ; et sur comment ils pouvaient se sentir.

Et donc petit à petit, nous avons fait évoluer nos interventions pour prendre en compte de manière beaucoup plus large les personnes, leur donner la possibilité de prendre en main leur santéEt pour favoriser, de fil en aiguille - par le débat, l’expression et l’échange - la confrontation des opinions, la prise de conscience d’une santé globale et la capacité qu’ils peuvent avoir à prendre en main leur santé.

De quelle manière le développement des compétences psychosociales constitue un socle pour toute action menée par le Crips auprès des jeunes, quelle que soit la thématique ?

Nous avons une approche au Crips très basée sur différentes thématiques en santé, notamment la sexualité et les drogues, et depuis quelques années la santé mentale, la gestion des émotions et l’hygiène de vie d’une manière beaucoup plus large.

Nous nous sommes aperçus que c’était beaucoup plus cohérent d’aborder les compétences psychosociales dans toutes les actions ; notamment une thématique comme la gestion des émotions, l’impact que cela peut avoir sur la vie de tous les jours et la santé en général. Donc plutôt que d’avoir des actions spécifiques visant au développement de certaines compétences psychosociales, l’idée est de distiller un petit peu à chaque fois - que ce soit dans les formations, les brochures ou les supports de prévention, et surtout dans les interventions directes auprès des jeunes et notamment les débats.

Cela nous permet, d’une manière beaucoup plus globale d’avoir :

  • un développement de la pensée critique,
  • un développement des forces intérieures comme la capacité à mieux gérer sa colère, ses peurs, ses joies ; ce qui au long terme va bénéficier à chaque jeune qu’on rencontre, parce qu’ils vont avoir cette conscience beaucoup plus aiguisée que « à n’importe quel moment de la vie, peu importe qui j’ai en face de moi, je peux contrôler ma peur, contrôler ma colère ou au contraire la laisser s’exprimer »,
  • un impact sur « comment je me sens, comment les autres vont prendre soin de moi, comment moi-même je vais avoir envie de prendre soin de moi », afin de leur permettre de mettre en place des phénomènes de protection.

Donc on abandonne progressivement le débat par thématique, et on essaie de prendre en compte plutôt des situations de vie dans lesquelles n’importe quelle compétence qu’on va développer va nous servir à aller mieux, à se sentir mieux et à être plus en confiance pour prendre soin de soi.

Quels sont les leviers qui favorisent le développement d’actions intégrant les compétences psychosociales, dans une démarche de promotion de la santé ?

Au Crips nous nous sommes aperçus que depuis des années on travaillait déjà les compétences psychosociales, sans forcément en avoir pris conscience. Ce n’est pas une évidence pour tout le monde que quand je suis en train de parler de santé, de sexualité ou d’autres sujets autour de la santé, je suis en train de renforcer l’estime de soi-même que peut avoir chaque jeune, la confiance en eux pour s’exprimer face aux autres, aiguiser leur esprit critique, etc.

Donc l’une des premières choses que nous avons faites c’est de former nos équipes à identifier différentes compétences psychosociales, et notamment celles qui sont particulièrement en lien avec notre activité. Nous avons ainsi formé nos équipes sur le fait :

  • qu’ils peuvent travailler ces différents aspects dans les animations débats ou dans les différentes actions qu’ils montent avec les jeunes,
  • qu’ils peuvent aller plus loin dans la réflexion et organiser des ateliers ou des mini-jeux orientés de manière plus pointue vers la mise en valeur d’une compétence spécifique ; et vraiment de le verbaliser comme cela en disant : « cette compétence elle vous servira dans d’autres situations, elle peut s’élargir à tous les champs de la santé et même de la vie globalement ».

La deuxième chose a été de travailler sur l’empowerment des jeunes en créant des actions portées par les jeunes pour les jeunes. Et surtout dans la construction de ces actions, en leur donnant la possibilité de se mettre autour d’une table, d’échanger entre eux, d’aiguiser leur pensée critique dans la création de l’outil ou de l’action qu’ils vont mettre en place.

  • Pour les jeunes qui auront mis en place ces actions, cela renforce leur confiance en eux, leur capacité à se sentir capables de faire ces choses-là.
  • Et pour les jeunes qui en bénéficient, ils s’identifient un peu plus en se disant : « Si lui il gère mieux ses émotions, moi aussi je peux mieux les gérer. Si lui il résiste à la pression des autres, moi aussi je peux y arriver ».

Ce sont des leviers assez forts. A la fois auprès des professionnels pour leur faire prendre conscience qu’ils sont capables de travailler les compétences psychosociales et leur donner quelques techniques en les formant. Et auprès des jeunes pour leur faire prendre conscience qu’ils sont capables de s’appuyer sur ces forces qu’ils ont en eux-mêmes, pour aller mieux et participer à la démarche de prévention globale.

Enfants collaborant autour d'une carte au trésor

Dossier Compétences psychosociales des enfants et jeunes ados (3-15 ans)