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Commentaire de l'infographie « Littératie en santé : déterminant de déterminants »

Stephan Van den Broucke

La littératie en santé peut être considérée comme un facteur en lien avec les inégalités de santé. Des recherches récentes montrent effectivement que la littératie en santé joue un rôle médiateur entre d’un côté les inégalités au niveau socio-économique, et de l’autre côté les inégalités de santé.

Stephan Van den Broucke
Vice-doyen de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education - Institut de Recherche en Sciences Psychologiques - Université catholique de Louvain (Belgique)

 

 

Pourquoi est-ce que la littératie en santé est devenue aussi importante, à la fois dans la recherche, dans la pratique et dans la politique ?
> Utilisation des services de santé

Tout d’abord, on sait que la littératie en santé a vraiment un impact sur l’utilisation des services de santé. Il y a de plus en plus de recherches qui montrent que des personnes qui ont un haut niveau de littératie en santé ont un comportement favorable à l’utilisation de soins. Par exemple, on fait des meilleurs choix dans la sélection des différents services qui sont disponibles ; et dès lors, on va moins utiliser des services qui ne sont pas pertinents pour soi. Donc la prise de décision concernant les meilleurs soins est facilitée par le haut niveau de littératie en santé. Et forcément, cela veut aussi dire qu’on va mieux suivre les conseils, donc plus d’adhérence aux conseils des médecins, des pharmaciens, des autres professionnels de santé, et donc une meilleure utilisation.

> Coûts en santé

On constate aussi que cela a un impact, pas seulement sur la santé en soi et la santé subjective, mais aussi sur les coûts de santé. Parce que ne pas faire le meilleur choix dans l’utilisation de services de santé, cela veut dire qu’il y a un coût. Une personne qui va consulter les services d’urgences plutôt que le médecin généraliste ou un spécialiste, cela coûte à la société, et cela coûte bien sûr aussi souvent à la personne même. Donc, là aussi, le coût de santé est de plus en plus un facteur qui est reconnu comme impacté par des niveaux de littératie en santé. Et c’est clair que cela intéresse les politiciens.

> Comportements en santé

Un autre facteur qui pèse un peu plus, c’est que la littératie en santé a un impact sur les comportements de santé. Pas seulement quand on est malade, mais aussi quand on n’est pas encore malade et qu’on a donc la tâche de se soigner soi-même et d’assurer qu’on reste dans une bonne santé. Il y a vraiment beaucoup d’informations qui montrent qu’un niveau de littératie en santé plus élevé aide à développer ou maintenir des comportements de santé, tels que l’alimentation saine, être physiquement actif... Et aussi d’autres comportements qui sont un peu moins étudiés, mais qui sont sans doute aussi impactés tels que : un bon sommeil, combattre contre le burn-out, etc. Il y a des exceptions. Il y a par exemple moins de liens entre littératie en santé et tabagisme, là on n’a pas pu trouver de liens ; ou encore concernant l’alcoolisme. Mais en gros, on peut dire que plus on a un niveau de littératie en santé élevé, plus on développera et maintiendra un comportement favorable à la santé.

> Résultats en santé

Cela a bien sûr des impacts sur la santé en soi, sur le sentiment de santé, sur le sentiment de bien-être. Et il y a de nouveau cette idée que cela aide à la santé et aux résultats de santé. Donc, à la fois dans le système de santé et son utilisation, mais aussi dans la société plus large, on constate qu’avoir un niveau de littératie en santé plus élevé est mieux.

> Participation

Il y a d’autres facteurs qui peuvent être aussi évoqués. Entre autres le fait qu’une personne avec un niveau élevé de littératie en santé n’aura pas seulement des bénéfices au niveau de la santé physique, mais aussi au niveau de la santé sociale et psychologique. Donc beaucoup plus de possibilités de vraiment participer à la prise de décision. Pas seulement en ce qui concerne leur propre santé, mais aussi en ce qui concerne le bien-être au niveau communautaire et la participation des activités. On peut aussi prendre mieux en charge la santé des proches et des personnes de son entourage. Et donc là aussi on commence à le reconnaître. C’est certainement une piste à explorer et très prometteuse, afin de voir dans quelle mesure la littératie en santé d’un individu peut aussi améliorer la santé d’une communauté.

> Equité

Et « last but not least », il y a aussi le fait que la littératie en santé peut être considérée comme un facteur en lien avec les inégalités de santé.

Des recherches récentes montrent effectivement que la littératie en santé joue un rôle médiateur entre d’un côté les inégalités au niveau socio-économique, et de l’autre côté les inégalités de santé.

Donc pourquoi est-ce important et pertinent ? Parce que les inégalités en santé, on les connaît. On sait déjà depuis longtemps qu’il y a des inégalités, mais on est encore très loin de trouver des solutions. L’une des pistes à explorer en termes de solutions pourrait être exactement la littératie en santé. Parce que changer la société au niveau structurel, bien que ce soit souhaitable, ce n’est pas très facile ; la société est moins aménageable pour vraiment impacter les inégalités de santé. Alors que la littératie en santé peut être reconnue comme facteur, et on peut agir sur celle-ci ; donc c’est un peu plus aménageable que des facteurs plutôt structurels dans la société. Donc cette idée de littératie en santé comme médiateur voire modérateur des inégalités de santé, est une piste très prometteuse.

Et donc cela permet effectivement d’agir sur les différents niveaux ou d’utiliser les différentes stratégies pour prendre en compte le défi que pose la littératie en santé :

  • D’un côté éduquer, assurer qu’il y a un niveau plus élevé dans la société par rapport à la littératie en santé, continuer et renforcer encore l’éducation à la santé.
  • Deuxièmement, assurer que dans les soins de santé le niveau faible de littératie en santé soit reconnu et pris en charge.
  • Et une troisième stratégie, c’est de changer plutôt les exigences que posent la société et le système de santé sur les gens. Donc, si l’on arrive à faciliter l’accès, l’offre et les différentes façons par lesquelles l’offre de santé est donnée, cela faciliterait aussi les choses pour les gens, même les gens qui ont beaucoup moins de littératie en santé. 
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