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Comment mettre en place un programme CPS : point de vue d’un chef d’établissement en collège

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Ces séances ont eu pour effet de réduire un certain nombre de conflits entre les élèves, et ces derniers ont été plus enclins à recourir à un adulte tiers pour régler leurs différends. Ce programme a contribué également à rendre plus acceptable le fait de partager ou d’évoquer ses émotions.

Jannick Ryan
Principale du collège Blaise Pascal, Plaisir (78)
Vous avez mis en place dans votre établissement un programme de développement des compétences psychosociales. Quelles sont les raisons qui vous ont amenées à développer ce type de programme, et quels enjeux y avez-vous perçu ?

Il m’a paru important de mettre en place cet enseignement, inscrit dans la circulaire de 2003 du ministère de l’Education nationale, qui préconise au minimum 3 séances par an et par niveau d’enseignement afin de :  

  • apporter aux élèves des connaissances et compétences dans les domaines affectif, psychologique et relationnel,
  • lutter contre les violences sexistes,
  • apprendre à accepter l’autre dans sa diversité,
  • développer la confiance et l’estime de soi qui permet de se situer par rapport aux autres, qu’ils soient adultes ou pairs, etc.

Il ne parait pas raisonnable d’envisager qu’un tel programme puisse être porté uniquement par les enseignants de SVT (sciences de la vie et de la terre) et par les infirmières et personnels de santé scolaire, qui ont déjà beaucoup de tâches à mener dans leur fonction.

Par ailleurs, le travail lié à l’acquisition de ces compétences psychosociales ne doit pas être cantonné à ces seuls personnels au sein d’un EPLE (Etablissement public local d’enseignement) selon moi, car c’est ou cela devrait être l’affaire de tous.

Sur la base de votre expérience, quel bilan faites-vous de ces programmes de développement des CPS ?

Il est apparu assez rapidement, au terme de deux années scolaires, que ces séances ont eu pour effet de réduire un certain nombre de conflits entre les élèves, et que ces derniers ont été plus enclins à recourir à un adulte tiers pour régler leurs différends ou à venir chercher conseil auprès des personnels de santé, pour ce qui concerne la vie sexuelle.

Il me semble que ce programme a contribué également à rendre plus acceptable, plus « normal », le fait de partager ou d’évoquer ses émotions. Cette réduction a été quantifiée par la diminution du nombre de faits de violence recensés par le service Vie Scolaire et la Conseillère Principale d’Education (CPE). Et il m’a semblé que je repérais moins de gestes d’agressivité au sein des groupes d’élèves, voire moins de gestes liés à des propos à caractère sexiste.

Les personnels impliqués dans ce programme sont nombreux au sein du collège Blaise Pascal, certains ont quitté le collège depuis la mise en place du programme, d’autres l’ont rejoint. Il est important de renouveler les acteurs afin de garder un nombre suffisant de personnes formées.

Et aussi d’identifier au sein du groupe la personne qui pourra assister le chef d’établissement dans la conduite du projet : il faut pouvoir établir un planning des interventions, prévoir le matériel à utiliser, des temps de concertation autour des outils et des thèmes, ainsi que des séances de « debriefing » au sein de l’équipe. J’ai cette année ressenti le départ de la collègue CPE qui était la personne ressource pour l’équipe et pour moi.

D’après votre propre expérience et votre participation à une réflexion avec le Rectorat de Versailles, comment un chef d’établissement peut favoriser la mise en place de programmes CPS avec l’ensemble de la communauté éducative ?

Il a été important pour moi d’être partie prenante de la mise en place des programmes CPS en participant en tant que stagiaire aux formations pour ensuite intégrer l’équipe des personnels actifs au sein du programme. Les contenus et les interventions touchent des domaines parfois privés, dans lesquels la réflexion engagée avec les élèves peut aborder des points sensibles de leur vie personnelle. Cela peut créer des situations délicates, et pour mieux répondre aux questions des parents, des collègues qui souhaitent comprendre la raison de l’introduction de ces séances dans le cadre scolaire, il m’a semblé nécessaire non seulement de l’impulser mais encore d’y participer.

Il est important par ailleurs que le groupe d’intervenants internes au collège soit formé pour répondre aux attentes des élèves et aussi répondre aux enseignants, qui ne voient pas toujours l’utilité de ces séances qui réduisent parfois leurs heures de cours, sans qu’ils perçoivent le côté positif que peut avoir cette réflexion avec les élèves sur le climat au sein de l’établissement. Or j’avais la conviction, dès le départ, que la mise en place de ce travail aurait un effet positif sur le climat scolaire, et pour convaincre et créer l’adhésion, il faut aussi oser, en tant que chef d’établissement, prendre part à une action d’autant plus qu’elle est innovante et met en place des pratiques qui ne sont pas forcément le quotidien des enseignants. Ces séances, même lorsque l’on est formé, peuvent fragiliser l’intervenant et il est important que le risque soit aussi pris par celui qui impulse quelque chose de nouveau.

Il faut par ailleurs mettre en place un temps d’échange de pratiques, afin que les intervenants puissent partager leurs réflexions et leurs propres émotions ; or cela ne fait pas souvent partie des modes de travail des enseignants, et il me semble important de comprendre de l’intérieur ce qui est nécessaire à la réussite du projet.

Enfin, il faut que le projet CPS, qui dépasse le cadre « traditionnel » des séquences avec les élèves, puisse s’inscrire dans la durée et il doit donc figurer au sein du Projet d’Etablissement. Celui-ci, dont la durée de « vie » est de 4 ans généralement, doit idéalement être le produit d’une réflexion commune menée par les personnels de direction, les enseignants, les différents personnels non enseignants actifs au sein de l’établissement, les parents et les élèves, par le biais de leurs représentants ; et il comporte plusieurs volets qui énoncent le fil conducteur des différents axes privilégiés par l’établissement sur plusieurs années. Inscrire le projet CPS dans le Projet d’Etablissement permet ainsi d’en assurer la pérennité, car ce type de programme requiert un engagement sur la durée et aussi un coût en termes de moyens (financier et horaires).

Ressources documentaires

Bibliographie

Bibliographie de l'interview et ressources pour aller plus loin

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Dossier Compétences psychosociales des enfants et jeunes ados (3-15 ans)