Groupe de personnes débattant

Capitalisation d'expérience « VoisinMalin »

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« VoisinMalin »

Ce récit d'expérience est réalisé sur la base d’un entretien de capitalisation conduit en octobre 2021 avec :

Principes de la démarche de capitalisation

Ce récit a été élaboré selon les principes de la démarche de « Capitalisation des expériences en promotion de la santé » (CAPS).

Créée en 2010, l’association VoisinMalin réalise des missions de porte-à-porte au sein des quartiers. Les Voisin Malins, représentants des habitants salariés par l’association, vont à la rencontre des citoyens pour apporter de l’information adaptée au contexte de vie des quartiers, écouter et recueillir leurs besoins, contribuer à la résolution de leurs problématiques quotidiennes, les motiver et les encourager à agir pour leur santé. Le site d’Evry-Courcouronnes en Essonne (91) est le premier site d’intervention de l’association.

Intervention Missions de porte-à-porte au sein des quartiers par des Voisins Malins
Porteur Association VoisinMalin

 

Thématiques Accès à l’emploi, Accès aux droits et aux soins, Addictions, Cadre de vie, Conditions de logement et salubrité, Dépistage, Gestes barrières, Gestion des déchets et tri sélectif, Habitat et urbanisme, Inégalités sociales ou territoriales de santé, Mobilité, Politique de la ville, Prévention du diabète, Réussite éducative, Santé bucco-dentaire, Santé environnement
Population cible Habitants des quartiers Le Canal et Les Pyramides à Evry-Courcouronnes en Essonne (91)
Calendrier Depuis fin 2010
Milieu d’intervention Association, Domicile, Quartiers politique de la ville
Territoire concerné Quartiers Le Canal et Les Pyramides à Evry-Courcouronnes en Essonne (91)
Principaux partenaires  

Financeurs et partenaires :
Collectivités et acteurs publics :
Ville d’Evry-Courcouronnes, Service municipaux (petite-enfance), l’agence nationale de Cohésion des Territoires (ANCT), Caisse National d’Assurance Maladie (CNAM), Collège du quartier (principal du collège), Transports Intercommunaux Centre Essonne (TICE), Atelier Santé Ville (ASV) et Contrat local de santé (CLS), Centre de soins et d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), Agence régionale de santé Ile-de-France (ARS IdF), Caisse d’allocation Familiale (CAF), Mission Interministérielle de Lutte contre les Addictions (MILDECA), Pôle Emploi, etc.
Bailleurs sociaux
Entreprises, fondations, associations et autres acteurs privés : Association Oppélia, ANPAA (nouvellement Association Addictions France), Educateurs de rue, Association pour le dépistage des maladies cancéreuses en Essonne (ADMC91), etc.

Equipe sur le programme Voisins, directrice territoriale, responsable du site Evry-Courcouronnes
Objectifs Renforcer le pouvoir d'agir des habitants et recréer du lien entre eux et avec les institution

 

Afin de mettre en valeur la parole de la Voisine maline, ses propos sont indiqués avec des textes italiques gras.

Présentation de la démarche participative

VoisinMalin est une association loi 1901 qui mobilise un réseau d’habitants salariés, les Voisins Malins, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)1 . L’objectif est de (re)créer une dynamique, recréer du lien avec les institutions, rompre l’isolement des habitants et les soutenir afin d’être acteurs sur les sujets qui leur importent. VoisinMalin réalise des missions de porte-à-porte sur des sujets utiles et concrets liés à l'habitat, à la santé, à l'accès à l'emploi ou aux droits sociaux, à la parentalité, en partenariat avec des acteurs locaux (collectivités, institutions publiques, entreprises délégataires de service public).

Historique de la démarche – création de VoisinMalin

VoisinMalin a été créée fin 2010, à l’initiative de la directrice, Anne Charpy. Avant cela, Anne Charpy était déjà engagée sur les questions de pouvoir d’agir et de transmission de savoirs des personnes concernées, en particulier des femmes, avec comme idée phare qu’« il y a plein de talents dans les quartiers ». Elle a notamment travaillé au sein d’un projet de micro-crédit pour aider des femmes chiliennes à consolider leurs micro-entreprises, ainsi que dans la direction de Grands Projets de Ville, puis de projets de rénovation urbaine en QPV. En tant que directrice du Groupement d’Intérêt public à Evry-Courcouronnes puis à Grigny, elle a également initié un programme de réussite éducative qui a notamment permis la mise en place d’un réseau d’habitants traducteurs préparant l’idée de VoisinMalin.

Le site d’Evry-Courcouronnes2 en Essonne (91) est le premier site d’intervention de l’association. Il concerne deux quartiers prioritaires : Pyramides et Canal. Le quartier du Canal, bien connu d’Anne Charpy, était un territoire très adapté au démarrage de VoisinMalin car il y avait une dynamique municipale et un important réseau de partenaires locaux et de bailleurs sociaux, ainsi qu’un programme de réussite éducative. Ces acteurs ont aidé à identifier et recruter les premiers Voisins Malins parmi les habitants déjà « ressources du quartier ». Ceux-ci ont été recommandés par les acteurs locaux (directeur du centre social de Courcouronnes, directeurs d’écoles et de collège, responsable de la médiathèque municipale, etc.) et ont été invités à participer à une réunion de présentation de l’association, de la démarche et du rôle des futurs Voisins Malins.

Par exemple, Awa, Voisine Maline depuis la création de l’association, a été recommandée par le principal du collège de ses enfants. Elle était particulièrement engagée, notamment dans les réunions de parents d’élèves et dans la vie associative de son quartier. « J’ai reçu un courrier de la part d’Anne [Anne Charpy]. Anne a remis la lettre au Principal du collège et le Principal a donné à mon fils et mon fils me l’a apporté. Elle m’a convoquée. On était 12 Voisins, Voisines, parce qu’il y avait deux hommes, aussi. Moi, je me suis présentée, ce jour-là. Je lui ai dit : oui, moi, je veux bien, je veux bien, ça m’intéresse. C’est comme ça que j’ai commencé. »

VoisinMalin a d’abord sollicité des Voisins Malins dans le cadre du programme de réussite éducative, sur des missions de traduction des bulletins scolaires, puis pour accompagner les habitants sur l’utilisation des bornes automatiques de La Poste, dans le but de réduire les files d’attente, aider les habitants en difficulté dans leurs démarches administratives et ainsi leur redonner de l’autonomie dans l’utilisation des bornes et de la confiance. Ensuite, les premières missions de porte-à-porte ont porté sur les questions de mobilité dans les quartiers. Les Voisins Malins ont interrogé les habitants sur leur connaissance et utilisation de la carte solidarité transport du réseau de bus TICE, et l’objectif était de mobiliser les habitants à participer à des ateliers collectifs organisés par les TICE. « On s’est aperçu que la relation en porte-à-porte permettait vraiment d’échanger sur les problématiques et, surtout, de comprendre pourquoi les gens ne se rendaient pas à cette réunion-là. Parce qu’ils ne se sentaient pas forcément légitimes ».

Les missions sur les questions plus spécifiques de santé ont débuté sur l’offre proposée dans le quartier, dans le cadre de la fermeture de l’hôpital de Courcouronnes en 2012. La fermeture a eu un impact fort sur les habitants et le Maire s’est engagé à créer une maison de santé au sein d’un projet de rénovation urbaine, ainsi qu’un collectif associatif pour garder le lien santé dans le quartier. Dans ce contexte, VoisinMalin a réalisé une enquête sur les besoins et pratiques en santé, et les Voisins Malins ont rencontré les habitants en porte-à-porte pour les informer de l’offre de santé sur le territoire. A partir de cette mission, VoisinMalin s’est intéressé aux questions de santé. Et les acteurs locaux (ex. les Ateliers santé ville) ont identifié VoisinMalin comme un partenaire potentiel sur ces sujets.  

Préparation et réalisation des missions de porte-à-porte

Les missions de porte-à-porte permettent d’apporter aux habitants de l’information adaptée au contexte de vie des quartiers, d’écouter et recueillir leurs besoins, de contribuer à la résolution de leurs problématiques quotidiennes, et de les motiver et encourager à agir pour leur santé.
Les missions peuvent durer de 6 mois à un an, en fonction du nombre de portes concernées. En une année, sur le site d’Evry-Courcouronnes, VoisinMalin visite entre 1000 et 1500 portes, sur plusieurs thématiques en parallèle.

Objectifs de la démarche participative

  • Renforcer le pouvoir d’agir des habitants
  • Recréer du lien entre les habitants et les institutions. « On dit souvent qu’on fait le dernier kilomètre entre les habitants et les institutions, mais qu’ils gardent leur statut d’habitant. »

Modalités d'action du projet (Selon les domaines de la promotion de la santé - Charte d'Ottawa) :

Ce schéma classe les actions développées dans le cadre du programme selon deux niveaux de lecture :

  • selon les axes de la promotion de la santé définis par la charte d’Ottawa
  • selon les publics concernés par chacune des actions

 

Quelques points notables du projet et de la démarche participative / éléments saillants

Statut salarial des représentants des habitants

Le statut salarial des Voisins Malins est inhérent au fonctionnement de VoisinMalin. Il répond aux enjeux d’implication des habitants et de valorisation du temps par la rémunération, en répondant à la question : « Comment faire en sorte que les habitants puissent s’impliquer dans leur quartier tout en valorisant leur travail ? ».

Contrat de travail

Les Voisins Malins sont salariés de l’association, signataires d’un contrat de travail à durée indéterminée de 12 à 19h par mois. Le contrat de travail induit un engagement dans la durée et l’ouverture des droits sociaux. Il ne s’agit pas de les « professionnaliser », c’est pour cela que VoisinMalin ne propose pas de contrat à temps plein. « Et on a parfois beaucoup de frustration de certains Voisins qui disent : " mais moi, je voudrais faire plus, faire plus d’heures, j’aime ça… etc. " On dit : non, nous, ce n’est pas notre fonctionnement ». Le statut de représentant des habitants des Voisins Malins est essentiel au fonctionnement de l’association. « Ils restent habitants avant tout ». « C’est vraiment important qu’ils aient leur statut d’habitants et qu’on ne leur demande pas de faire du porte-à-porte de façon professionnelle. On ne leur demande pas d’être des experts de chaque sujet dans lequel on les forme ».

Recrutement

Les responsables de site sollicitent les acteurs locaux pour recommander des habitants. VoisinMalin recherche des personnes engagées sur leur quartier et qui ont « la fibre pour créer du lien ». « Des gens qui aiment leur quartier et qui ont envie de le rendre dynamique ». Il est également important que l’équipe des Voisins Malins « ressemble au quartier », ainsi le fait de parler des langues étrangères est un plus, car il y a une importante diversité de cultures et de langues parlées dans le quartier « Il faut des personnes de plein d’origines différentes ; des hommes, des femmes ; des jeunes, des moins jeunes ; des parents ; des gens qui travaillent, des gens qui ne travaillent pas, des étudiants ». Un autre critère essentiel est le principe de neutralité vis-à-vis de tout pouvoir (politique, religieux, économique…). Enfin, la recherche d’un « petit boulot » ne doit pas être la motivation principale.

Parties prenantes

Principaux acteurs et partenaires (association nationale)

National

Depuis 2019, VoisinMalin fonctionne par Pôles : Strasbourg - Yvelines - Val d’Oise - Paris ; Grand Sud (Lyon et Marseille) ; Seine-Saint-Denis ; Essonne - Nord. VoisinMalin s’est implanté dans des villes grandes ou moyennes. Il y a un responsable de site pour 2 quartiers, en charge de 16 Voisins Malins maximum. 160 Voisins Malins travaillent pour VoisinMalin, dont 70% de femmes. Toute l’équipe représente 40 équivalent temps plein (ETP)3 entre l’équipe permanente et les contrats en temps partiels des Voisins Malins.

Equipe sur le projet

Sur le territoire de l’Essonne, la directrice territoriale assure un appui sur 4 villes. L’équipe sur le territoire est soutenue également par une structure nationale solide qui comprend aussi les fonctions supports et de développement de VoisinMalin. Le site d’Evry-Courcouronnes concerne deux quartiers, Canal et Les pyramides dont les équipes comprennent respectivement 8 et 6 Voisins Malins.

Principes éthiques

VoisinMalin a des principes bien ancrés, un « ADN » fort. Parmi ceux-ci :

  • Pas de motivation commerciale. « Il y a des choses éthiques qui sont vraiment importantes pour nous. A chaque fois, on va quand même analyser, creuser. Sur les questions commerciales, on est assez radicales, c’est non ! ». Par exemple, VoisinMalin a été contacté par des opérateurs téléphoniques ou internet pour promouvoir des offres solidaires, et à chaque fois, ils ont refusé le partenariat.
  • Indépendance de l’association. Le modèle économique permet un financement pluriel qui accorde un statut de neutralité et d’indépendance à l’association. Il repose sur l'hybridation des ressources, entre les missions de porte-à-porte (62% en 2021 au niveau national) et les subventions publiques ou le mécénat privé (38%). Quand les partenaires commanditaires4 ne peuvent pas assurer entièrement le financement des missions, VoisinMalin cherche des co-financeurs.
  • Autonomie des Voisins Malins et liberté des responsables de sites. Les Voisins Malins sont autonomes sur les missions et la gestion de leurs heures, et sur le fait d’entrer ou non au sein même du logement des habitants, notamment vis-à-vis de leur intimité. « C’est un management à la confiance ». Les responsables de site quant à eux sont libres de gérer leur équipe de Voisins Malins et rencontrer les partenaires sans l’accord préalable des directeurs territoriaux ou de la directrice, car ce sont eux qui connaissent le mieux les besoins sur leurs territoires.
  • Création de dialogue et ouverture de débats. Les rencontres entre les Voisins Malins et les habitants, et entre les Voisins Malins et les partenaires, permettent d’ouvrir des espaces de dialogue et de débat. Par exemple, sur des sujets nouveaux comme les dangers méconnus du protoxyde d’azote par les parents des quartiers. Ou sur des sujets relatifs aux mesures sanitaires en période de crise du Covid-19 et la vaccination.
  • Citoyenneté. « Il y a des partenaires qui nous disent : " vous êtes en train de former les élus de demain " ». « Parce qu’en fait, ils [Les Voisins Malins] deviennent citoyens, de comprendre un peu l’écosystème dans lequel ils vivent… Quand on a travaillé les missions sur les questions de personnes âgées, le fait de comprendre qu’il y a le CCAS, le CLIC, qu’il y plusieurs instances qui existent… ». « Quand Anne [Anne Charpy] a créé VoisinMalin, elle était dans l’optique d’essayer de, justement, faire en sorte que les habitants se mobilisent dans leur quartier et on a vocation à ne pas rester, en fait ; pas rester ad vitam aeternam. L’idée, c’est que, justement, ils deviennent acteurs et que les municipalités et les habitants, ça fonctionne bien ».
  • Interculturalité : « Il y a quelque chose de très incarné chez les Voisins malins, c’est la question de diversité ». Les Voisins Malins représentent leur quartier par la pluralité de cultures, de nationalités, de langues, etc. Sur le site d’Evry-Courcouronnes, 12 langues étrangères sont parlées par les Voisins Malins.
  • Pas d’injonction dans les messages. « L’objectif, ce n’est pas d’arriver avec un message très descendant en disant : " il ne faut pas faire ça ! " Notamment, sur la santé… les messages, souvent, ils sont très verticaux. C’est le médecin qui dit : il faut faire ça. Les campagnes de prévention qui disent : il faut faire ça. Et là, c’est un habitant, comme eux. Et on n’est pas là pour vous juger, pour vous dire " c’est pas bien, arrêtez ! ", mais on est là pour vous dire : " prenez en conscience… " ». Il s’agit de donner les clés pour comprendre un sujet, en ayant accès à des informations vérifiées et fiables, pour se forger un avis et pour agir.
  • Utilisation des données en interne uniquement. Les données recueillies avec la tablette numérique sont confidentielles et uniquement destinées à l’utilisation en interne. Certaines informations peuvent être sensibles comme par exemple, le nombre de personnes vivant dans le logement, les revenus, des éléments intimes de leur vie, leurs fiches de paie… Pour garantir l’anonymat et la sécurité des données, VoisinMalin suit des procédures rigoureuses d’un point de vue informatique. Ces informations particulièrement sensibles justifient par ailleurs la vigilance de VoisinMalin lors du recrutement et les formations sur la posture et les valeurs de l’association.

Compétences/connaissances mobilisées

Les Voisins Malins sont avant tout des habitants des quartiers concernés par les missions. Ils mobilisent leurs connaissances sur leur quartier, ses habitants et les ressources du territoire, et ont pour la plupart des compétences en langues étrangères « Ça fait longtemps que j’habitais à Courcouronnes. J’ai vu plusieurs familles, plusieurs parents qui ne parlent pas, ne comprennent pas bien le français… Donc, j’ai fait la traduction ».

La démarche de VoisinMalin permet par ailleurs aux Voisins Malins le renforcement de compétences psychosociales5 : la confiance en soi, se sentir capable de prendre la parole devant un groupe en réunion.... « Il faut avoir confiance en soi-même. Parce que si on n’a pas confiance, on ne peut pas faire la mission ». « Les Voisins étaient en position de force parce qu’ils pouvaient témoigner auprès des partenaires, de ce qu’ils vivaient, de ce qu’ils avaient vécu ; donc, ça les mettait en valeur ».
Au sein de l’équipe managériale, il y a également une grande diversité de profils : secteur associatif, paramédical, puériculture, social, commercial, développement social urbain…, permettant l’échange de pratiques.

Formations

Un tiers des heures de travail des Voisins Malins est consacré à des formations, et celles-ci font l’objet de rappels réguliers.

  • Formation sur les valeurs de l’association, le fonctionnement du porte-à-porte (l’écoute active, la manière de se présenter, de communiquer, etc.). Ces formations sont délivrées à chaque nouveau Voisin Malin dans l’équipe lors d’une demi-journée d’« accréditation », et régulièrement au cours des séminaires d’équipe. « Chaque nouveau Voisin qui arrive, on prend le temps de lui expliquer quelle attitude avoir, comment être neutre, travailler la posture, sur la confidentialité ». Les formations sont des temps interactifs et ludiques au cours desquels les Voisins Malins s’entrainent sur différentes mises en situation, utilisent des jeux de rôles et des photomontages.
  • Formation sur les sujets des missions. Au début de chaque mission, les Voisins Malins sont formés sur les thématiques par des intervenants extérieurs (partenaires ou acteurs spécialisés). Les besoins de formation sont évalués par les responsables de sites. « Je discute en équipe, des fois en individuel, mais je leur demande : de quoi vous avez besoin pour cette mission ? On va parler de tel sujet, qu’est-ce que vous connaissez déjà et qu’est-ce que vous auriez besoin de mieux comprendre ? ».
  • Formation à l’utilisation des outils numériques. Jusqu’à 6 séances sur l’utilisation de la tablette numérique, selon le niveau initial des Voisins Malins. « C’était important de passer au numérique pour pouvoir aller sur des messages un petit peu plus complexes, et surtout avec des visuels. Parce que, sinon, on était sur papier et on mettait, aussi, un temps à récolter des données ». Ce projet a permis de dédramatiser l’usage des services en ligne pour les Voisins Malins eux-mêmes.
  • Formation sur les ressources du territoire. Les temps de formation servent aussi à renforcer la connaissance des Voisins Malins quant aux structures ressources et services des quartiers, ce qui est très important car les habitants ont parfois besoin d’être orientés. « C’est pour ça que c’est important que ce soit des habitants du quartier… Awa, quand elle va indiquer la médiathèque, elle ne va pas montrer le plan, elle va dire : " tu sais, la médiathèque, elle est à côté du marché ; tu descends de l’arrêt de bus… " Et c’est ça que les gens ont besoin de savoir, parce que, montrer sur un plan, il y a plein de gens à qui ça ne parle pas ». Parfois même, les Voisins Malins visitent les structures ressources pour mieux connaitre ces lieux : « Quand on a fait la mission sur l’accès aux droits des jeunes, tu [Awa] as été visiter le point d’accès aux droits. Donc, quand tu vas en parler aux habitants, tu peux dire : " à l’accueil, il y a une agent qui est super sympa, qui nous a accueillis ; il y a des bureaux… " ». Il peut s’agir aussi, par exemple, de visiter un centre de tri des déchets pour une mission propreté.

Posture professionnelle et de représentants des habitants

Les Voisins Malins ont à la fois une posture de représentant des habitants et une posture professionnelle.

La posture professionnelle exige une certaine neutralité vis-à-vis des habitants et des partenaires, renforce la légitimité des Voisins Malins et permet un lien de confiance avec les partenaires et les habitants. Il s’agit d’un cadre facilitant pour « aller-vers » les habitants. « C’est dur, d’aller en direct face aux habitants, mais là, il y a ce cadre, il y a cette neutralité qui permet que ça facilite les choses ». Pendant les missions de porte-à-porte, les Voisins Malins parlent au nom de l’association VoisinMalin et se présentent comme salariés de l’association. « Tu es habitant, mais tu as ton badge ; quand tu es Voisin malin, tu es Voisin malin, mais si tu as un avis tranché sur tel ou tel sujet, tu n’es pas dans le cadre de VoisinMalin ».

Les Voisins Malins ont par ailleurs et avant tout une posture de représentants des habitants. C’est notamment un levier pour la construction des messages, le choix des mots et leurs traductions. Les Voisins Malins vont spontanément choisir les mots qu’utilisent plus facilement les habitants et qui seront adaptés à leurs contextes de vie. « C’est eux qui sont en porte à porte, qui savent comment on peut faire ». La posture de représentants des habitants leur confère aussi la légitimité de parler au nom des habitants. « Parce qu’il [le Voisin Malin] le vit, il l’a vécu et il se fait porte-parole, finalement, des autres habitants du quartier ». Ce sont « les experts sur le moment », et cette posture appuie leur légitimité vis-à-vis des partenaires. D’ailleurs, les bilans ne sont pas uniquement présentés par les responsables de site. « C’est eux qui sont à même de pouvoir en parler ».

Niveaux de participation et empowerment

Différents niveaux de participation de la démarche, selon le modèle de l’échelle de la participation de Sherry Arnstein, 2006.

Pour les Voisins Malins, la démarche est participative à plusieurs niveaux, selon les différentes actions et leurs objectifs. Ce schéma détaille les niveaux de participation pour les Voisins Malins uniquement, et non l’ensemble des habitants.

* En promotion de la santé, la participation est un facteur d'empowerment des personnes à un niveau collectif et individuel. Associer les populations à la conception et la mise en œuvre d’une action de promotion de la santé est un facteur d’efficacité des interventions, notamment pour les personnes présentant un risque d’exclusion sociale et de perte de pouvoir sur leur santé (les personnes en situation de pauvreté, les jeunes, les femmes, les patients…). [OMS, 2006]

Voir la rubrique Enjeux du Dossier Participation

Les Voisins Malins jouent un rôle de relai de la parole des habitants, important dans la résolution des problématiques quotidiennes de ceux-ci.

  • Pendant les missions de porte-à-porte, les Voisins Malins apportent des informations aux habitants, recueillent leurs besoins et les problématiques qu’ils rencontrent, notamment celles liées à leurs logements.
  • Ces informations sont transmises à la responsable de site.
  • Celle-ci informe les partenaires concernés, de manière anonyme ou non selon les souhaits des habitants.
  • Il est arrivé, dans le cas de situations particulièrement préoccupantes, avec l’accord des habitants, que VoisinMalin alarme les services Hygiène de la ville. Par exemple, dans le cas d’une personne en situation de handicap dont le logement était infesté de cafards.
  • Les habitants sont encouragés à rencontrer les bailleurs ou à se diriger vers les bons interlocuteurs pour résoudre leurs problèmes.

Aider à la résolution des problématiques quotidiennes est un levier de motivation pour les Voisins Malins comme Awa : « Quand on fait du porte-à-porte, on leur apporte des informations concernant la mission qu’on fait. Et puis, on reste à l’écoute des habitants. C’est très important. Parce que, des fois, ils nous racontent leurs problèmes en disant : il y a ça, il y a ça: " oui, moi, chez moi, j’ai des fuites d’eau " ; " ma toilette est cassée, est-ce que vous, en tant que Voisin malin, vous pouvez apporter cette information au bailleur, pour que le bailleur puisse faire quelque chose ? " ».

Les Voisins Malins peuvent confronter les partenaires commanditaires à leurs engagements.

VoisinMalin a déjà interpelé des partenaires qui n’avaient pas tenu leurs engagements auprès des habitants. Par exemple, un partenaire qui avait sollicité une mission sur un projet de rénovation urbaine souhaitait refaire une mission sans donner d’éléments sur le projet. « On leur a dit : « c’est pas possible ! Nous, on est venus il y a un an, on ne va pas retourner voir les gens, aujourd’hui, en leur disant : " venez prendre un goûter ! " ». J’ai été claire : " si on ne donne pas aux gens des nouvelles du projet de rénovation, on n’y va pas ! " - " Ah oui, mais c’est pas prêt…"  - " C’est pas grave ! Les gens ont juste besoin de savoir où ça en est " ». Ou encore quand les bailleurs ne prenaient pas leurs responsabilités sur les conditions de logement. « J’ai un souvenir avec un bailleur où, les gens nous faisaient entrer, pour se confier, ils nous montraient la moisissure sur leurs murs, les fissures, la plomberie cassée, etc. On fait le retour aux partenaires et les Voisins étaient présents. Le partenaire dit : " Ah oui, mais si les gens ont de l’humidité chez eux, c’est parce qu’ils n’aèrent pas bien leur logement ". Et là, c’était S. et N. qui étaient là, qui disaient : " Vous n’avez pas le droit de vous dédouaner comme ça. Nous, on a été les voir les gens, chez eux. Allez voir ce qui se passe. Vous ne pouvez pas dire que c’est juste qu’ils n’aèrent pas leur logement. Vous ne pouvez pas dire qu’il y a 120 personnes qui n’aèrent pas leur logement ! On ne dit pas que c’est de votre faute, mais… " ». Les Voisins Malins font également attention à ce que les messages et les engagements des partenaires soient vrais. « Les gens ne nous font plus confiance si on leur dit des choses qui sont fausses ».

Les Voisins Malins peuvent choisir de faire ou ne pas faire une mission.

Les Voisins Malins ont le droit de refuser de participer à une mission s’ils ne se sentent pas à l’aise avec la thématique, car il est important que la relation entre les habitants et les Voisins Malins se passe bien. Comme il y a souvent plusieurs missions en cours simultanément, un autre Voisin Malin plus à l’aise avec le sujet s’en charge. Si l’ensemble des Voisins Malins refusent de faire la mission, l’équipe va réfléchir à la meilleure manière d’aborder la thématique ou bien refuser de faire la mission. Par exemple sur le Covid-19, l’ARS a sollicité VoisinMalin, et cela a entrainé beaucoup de discussions en interne. « Ils m’ont dit [les Voisins Malins] : " On ne va pas aller parler des gestes barrières, on en a marre, tout le temps, de parler des gestes barrières ! " - On s’est dit : " il y a quand même un problème, avec le Covid, c’est que c’est un sujet qui préoccupe les gens et donc, nous, on l’a abordé sous l’aspect des conséquences psychologiques. On va aller voir les gens, leur demander comment ils vont et leur donner des conseils et, également, des orientations pour se faire aider s’ils ne vont pas bien, s’ils sont déprimés, etc. " ».

Tous les deux ans, les Voisins Malins sont inclus dans le comité de pilotage de l’association.

Aux comités de pilotage sont conviés le Préfet, le Maire, les partenaires et les Voisins Malins pour échanger sur tous les sujets sur lesquels VoisinMalin a travaillé pendant l’année. « Tout le monde est au même niveau ». Ils participent à la prise de décision, bien qu’elle ne soit pas systématiquement formelle.

Comment s'approprier certains éléments du programme

Freins identifiés par la structure, et comment les éviter ou les réduire

Turn-over des équipes de Voisins Malins

L’équipe des Voisins Malins tourne beaucoup car il arrive que les personnes aient d’autres projets professionnels ou étudiants, qu’elles aient moins de temps pour s’engager, qu’elles trouvent du travail à plein temps, où pour des raisons personnelles.  Le salariat (avec contrat de travail) est un levier pour l’engagement à long terme. Sur les 12 Voisins Malins, 3 sont salariés depuis 10 ans et 3 depuis plus de 4 ans.
Une DRH est chargée de la gestion des 160 Voisins Malins au niveau national. La période d’essai est un outil qui facilite le recrutement, et si les obligations ne sont pas respectées VoisinMalin peut rompre le contrat.

Turn-over des partenaires

VoisinMalin intervient depuis 10 ans sur Evry-Courcouronnes et les équipes des partenaires ont changé plusieurs fois. Il a fallu régulièrement présenter de nouveau le fonctionnement de l’association, et ré-établir le lien de confiance avec eux.
« On peut très bien travailler pendant des années, avec un " partenaire ", parce qu’on a une personne qui a bien compris ce qu’on fait et avec qui ça va passer super bien, et puis, l’interlocuteur change, et ça ne se passe plus bien du tout ».
« Ça fait partie des freins, mais en même temps, ça nous oblige à ne jamais considérer les choses comme acquises ».
« Quelque chose qu’on a identifié, c’est que c’est difficile de changer l’institution, par contre, on peut changer des personnes. Et VoisinMalin, c’est vraiment une histoire de rencontres ».

Méfiance ou agressivité de certains habitants

Au cours des premières années de porte-à-porte, certains habitants pouvaient se montrer méfiants, voire agressifs. Et certains sujets éveillent encore la méfiance des habitants. Par exemple VoisinMalin a arrêté une mission pour la CAF. « On parlait de ‘CAF.fr’ et des petites astuces sur le site pour pouvoir prendre rendez-vous, débloquer sa situation, etc. Et il y a une méfiance énorme des habitants qui pensaient qu’on était des contrôleurs de la CAF, que la CAF nous avait mandatés pour les contrôler chez eux ».  Pour éviter cela, une campagne d’affichage est faite en amont des missions pour informer du passage des Voisins Malins et le sujet de la mission.
Les mises en situations et les jeux de rôle lors des formations permettent également de préparer les Voisins Malins et notamment à l’agressivité.
Avec les années, la démarche est mieux connue par les habitants et un lien de confiance s’est instauré. « Maintenant, ce n’est pas comme avant. Maintenant, ça marche très bien ».

Impact de la crise et des mesures sanitaires (confinement, couvre-feu, isolement…)

Les différentes mesures sanitaires ont impacté le déroulement des missions de porte-à-porte, avec un impact sur la convivialité (discuter autour de la table, prendre du gâteau et du thé, réunir la famille…) et les échanges plus confidentiels.
Certains habitants ont eu peur d’ouvrir leur porte aux Voisins Malins. « Avant, vous pouviez rentrer chez les gens. Les missions, par exemple, sur les écrans, avec les enfants, ce qui était intéressant, c’est qu’il y avait tous les enfants qui venaient autour, qui écoutaient, etc. Là, forcément, depuis le Covid, on ne rentre plus chez les gens, on se met devant la porte ».
Pendant les périodes de confinement, l’ARS et la Préfecture ont autorisé VoisinMalin à maintenir ses missions de porte-à-porte.
L’association a mis en place des mesures sanitaires pour limiter les risques de contamination, notamment auprès des plus vulnérables. Par exemple, les Voisins Malins ont offert des masques aux habitants pour pouvoir échanger. Dans des cas particuliers et avec des précautions supplémentaires, les Voisins Malins ont pu rentrer chez des personnes en demande pour pouvoir être avec les enfants ou discuter plus confidentiellement.

Absence de structures et d’équipements ou de relais locaux sur le territoire

Les missions se mettent en place selon les besoins du territoire et les opportunités, mais il faut également des ressources disponibles localement, des acteurs relais pour orienter les habitants. « Parfois, on est appelés sur des quartiers où il y a très, très peu de structures. Et quand on commence à découvrir l’écosystème de ce quartier, on dit qu’en fait, nous, on ne peut pas faire les choses qu’il n’y a pas sur le quartier. On est là pour faire le lien entre des choses qui existent déjà. » - « On n’a pas vocation à créer des frustrations ». La présence d’acteurs ressources qui prennent le relais sur les territoires est un levier de réussite et une condition de mise en œuvre d’une mission.

Leviers de réussite, pour favoriser la participation des Voisins Malins et des habitants

Reconnaissance dans le quartier

La démarche et les Voisins Malins sont de plus en plus reconnus dans le quartier comme des personnes ressources agissant dans l’intérêt du quartier. « Aujourd’hui, on est connus par tout le monde ! ». « C’est pas des experts [les Voisins Malins], mais n’empêche, des référents sur tel ou tel sujet, et identifiés, et sur une thématique. Donc, ça, c’est aussi quelque chose qui est important dans la durée ».

Confiance mutuelle avec les habitants et avec les partenaires

  • Convivialité et création de lien social qui renforcent les liens de confiance avec les habitants. « L’idée, c’est vraiment qu’il se passe un échange, une rencontre. Et on vient toujours sur un sujet et la prochaine fois, on viendra sur un autre. Et ça, aussi, ça crée de la confiance ». Le temps des échanges entre les Voisins Malins et les habitants peut être très long, variable selon différents facteurs et pouvant aller jusqu’à 40 minutes par visite. « Il n’y a pas de contrainte. On vient sur un sujet mais, parfois, ça dérive sur plein d’autres sujets ».
  • Lien de confiance avec les partenaires. La relation de confiance avec les partenaires s’est établie progressivement, par la « preuve ». Parfois, les nouveaux partenaires peuvent être déstabilisés par le fonctionnement de VoisinMalin, notamment parce que l’association impose un rapport au temps et une méthode particulière avec une analyse préalable des besoins et en prenant le temps de décortiquer les thématiques avant les missions de porte-à-porte. Cette relation de confiance est d’autant plus importante que le partenariat s’appuie sur des personnes, et que l’interpersonnel est fondamental.

Culture de l’expérimentation et du test

L’expérimentation est au cœur du fonctionnement de VoisinMalin. Le lancement de la démarche sur les sites d’Evry et Courcouronnes, le modèle économique et les missions de porte-à-porte sont eux-mêmes des expérimentations à l’origine. « Si ça marche, tant mieux. Et si ça ne marche pas, on comprendra pourquoi ». « Aujourd’hui, c’est du porte-à-porte, peut-être que demain, ça sera autre chose ». Des expérimentations se font sur les territoires en fonction des opportunités, des partenaires et des ressources existantes. « Ce n’est pas parce que quelque chose a marché sur un territoire que ça va marcher sur un autre ».
Pour chacune des missions, les messages sont expérimentés dans une première phase de test et réajustés en cours de mission pour être adaptés au mieux aux situations des habitants. « Au début de chaque mission, je [la responsable de site] les accompagne sur le terrain en porte-à-porte. Je ne les laisse pas tout seuls, parce que, des fois, on crée une mission, on crée un message ; entre nous, on se dit : oui, c’est bien, ça passe. Et puis, quand on va en porte-à-porte, c’est plus difficile. Donc, du coup, ça permet d’en discuter. Ça permet aussi de réajuster ça ».

Nombreux temps d’échanges, de co-constructions et de formations

  • Les séminaires collectifs mensuels, au-delà de préparer les missions et les messages, permettent de créer du lien entre les Voisins Malins. En effet, les missions de porte-à-porte sont plutôt solitaires et ces temps permettent aux Voisins Malins de s’organiser entre eux (se donner rendez-vous en pied d’immeuble pour faire les missions ensemble, se répartir les logements, etc.). Ils permettent aussi de gérer les éventuelles discordes qui peuvent apparaitre et de maintenir une cohésion d’équipe, malgré les désaccords qui peuvent exister entre les Voisins Malins, car leur hétérogénéité peut favoriser cela. L’objectif n’est pas de trouver un consensus pour tous mais de partager les différents avis et points de vue. D’autres sujets sont abordés pendant ces réunions comme les ressources du quartier, des questions en lien avec les ressources humaines (fiches de paie, compte personnel de formation…), etc.
  • Les entretiens individuels permettent aux Voisins Malins d’échanger avec la responsable de site sur leurs besoins de formations et leur ressenti pendant les missions.
  • L’équipe managériale (ensemble des sites) se réunit souvent également pour échanger sur les pratiques et partager des expériences sur les techniques d’animation utilisées, les manières de réaliser les bilans, etc.

Grande attention portée à la place des Voisins Malins

  • Tous les acteurs sont au même niveau : Voisins Malins et partenaires. Lors des évènements qui rassemblent les Voisins Malins et les partenaires (réunions de bilan et Copil), il n’y a pas de distinction entre la parole des différentes parties prenantes. « Tout le monde était au même niveau. C’était vraiment des vraies rencontres, des rencontres d’humains ». Habituellement dans les réunions publiques, les habitants et les représentants d’habitants ne se sentent pas toujours légitimes. « Une Voisine, qui a participé à un atelier de concertation sur les conseils de quartier m’a dit : " je ne me suis pas sentie légitime du tout ! " parce que les personnes qui prenaient la parole en premier, c’était les élus. Et ils commençaient leur discours par : " vous savez tous que…  Nous savons tous que… ". Et elle disait : " mais moi, je ne savais pas tout ça ! Donc, je me suis sentie bête ! Et du coup, je n’ai pas osé ". Et souvent, les réunions publiques, même quand des habitants sont là, il y a cette distance. Il y a les élus, il y a les officiels, il y a les gens qui savent et d’un autre côté, des habitants qui peuvent poser des questions, éventuellement ».
  • Dans les réunions de bilan, VoisinMalin favorise ainsi l’« équivalence de parole ». Tout le monde peut prendre la parole quand il le souhaite. « Il n’y a pas de protocole qui dit « on passe la parole d’abord aux partenaires… ou plutôt, on passe la parole d’abord aux Voisins et ensuite aux partenaires ».
  • Utilisation de techniques d’animation. Lors des formations, des réunions bilans et des Copil, VoisinMalin utilise différentes techniques d’animation en fonction des objectifs. Lors des temps d’échanges avec les partenaires, les brise-glaces6 servent à faire émerger des points communs entre les parties prenantes et les mettre au même niveau (« baguette magique7 »…) . Autrement pour les journées de formation et de séminaire, VoisinMalin utilise des jeux de rôle, le photomontage... Ces outils permettent de travailler les représentations, les valeurs de l’association, la posture de neutralité, la confidentialité, l’écoute…

Evaluation et principaux enseignements

Evaluation du projet et de la participation

Evaluation d’impact

Depuis la création de l’association, VoisinMalin réalise des évaluations d’impact vis-à-vis des Voisins Malins et des habitants, et notamment une étude randomisée8 , dont les résultats sont publiés sur le site de VoisinMalin. Les résultats de ces études ont permis d’ajouter des questions pour les habitants dans le but de mesurer l’impact des messages, de manière déclarative : « Est-ce que vous avez appris quelque chose de nouveau suite à notre passage ? Est-ce que vous pensez aller faire telle ou telle démarche ? ». Les Voisins Malins utilisent la tablette numérique pour recueillir les données. Par exemple, mesurer et comparer le niveau de connaissance des habitants après plusieurs passages, après un an, etc. Idem, dans le cadre d’une mission sur l’eau, le syndicat de copropriétés peut relever les compteurs d’eau avant et après le passage des Voisins Malins pour voir l’impact de la mission sur la baisse de la consommation d’eau et les charges.

Connaissances et compétences acquises par les Voisins Malins.

L’équipe de VoisinMalin a observé que leur démarche renforce :

  • les connaissances des Voisins Malins sur les sujets des missions : « Awa est montée en compétences sur plein de sujets, plein de thématiques ». « Un Voisin, par exemple, qui travaille dans un collège : le fait d’avoir fait la mission addictions, il a monté un atelier dans son collège, par rapport à ça ».
  • les connaissances sur l’« écosystème » des quartiers et la citoyenneté. Certains Voisins Malins s’engagent dans des associations ou instances, dans les conseils de quartiers, comme ambassadeurs de santé, au sein d’associations de locataires, d’une association pour lancer des ateliers zéro déchet, etc. « Dans le quartier, tu as les gens qui subissent un peu le quartier, qui sont chez eux, qui ne sortent pas beaucoup, qui n’ont pas accédé à leurs droits. Il y en a qui bougent mais qui ne savent pas trop, qui ne connaissent pas. Et puis, il y en a qui sont déjà actifs ». « L’objectif, c’est de les faire monter à la marche du dessus. Et ceux qu’on embauche, ils sont dans un état où ils sont actifs mais ils ne se sentent pas forcément encore légitimes. Et nous, on leur donne cette légitimité ».
  • les compétences psychosociales. « Ça leur a permis d’oser ». « Il y a des Voisins qui ont repris des études ». « Un étudiant, il voulait faire des études d’avocat, et il dit " moi, clairement, VoisinMalin, ça m’a appris à parler aux gens. Le fait de parler en individuel, j’ai pris un peu plus confiance en moi et, maintenant, je me sens plus à l’aise " ».  
  • les compétences sur l’utilisation d’outils numériques.
  • le sentiment d’être utile. « Le fait qu’on améliore le quartier, moi, ça m’apporte beaucoup de choses » « En plus de ça, j’aime bien rester toujours en contact avec les gens, rester à l’écoute des habitants. C’est ça qui m’a toujours motivée dans le travail ».
  • le fonctionnement du travail. « Et il y a aussi des choses où ça leur apprend le contrat de travail. On a certaines Voisines, elles n’ont jamais travaillé, elles n’ont jamais eu de contrat de travail. Et là, c’est un CDI, et ils découvrent les questions de mutuelle, le fait que quand ils sont malades, il faut qu’ils posent un arrêt de travail ».

Impact sur les habitants.

Le passage de VoisinMalin permet aux habitants d’améliorer ou de renforcer leurs connaissances des sujets abordés pendant les missions de porte-à-porte, de résoudre certaines problématiques quotidiennes et d’acquérir des compétences. « Et puis, toutes les missions qu’on leur a apportées, franchement, ça les a aidés. On leur a apporté beaucoup de choses aux habitants ». Les témoignages des habitants sur ce qu’a apporté VoisinMalin sont nombreux et la plupart d’entre-eux sont partagés dans les bilans.

Impact sur les partenaires.

« Petit à petit, on prend soin des personnes qui ont une autre vision et qui, du coup, ont changé leur manière de faire les choses ».

Perspectives

Après une phase de développement soutenu et la présence aujourd'hui dans près de 25 villes, VoisinMalin souhaite se recentrer sur l’approfondissement de son rôle dans ses quartiers d’implantation, et pour cela arrêter de croitre. En revanche, VoisinMalin accompagne d’autres acteurs en France et à l’étranger pour développer cette démarche, dans une logique de « transmission de savoir-faire » ; par exemple, dans le 13ème arrondissement de Paris avec l’association 13 Avenir, à Barcelone ou à Montréal.
La directrice de l’association, Anne Charpy a été sélectionnée (« Ashoka fellow »), et VoisinMalin accompagné, par le Réseau Ashoka. Il s’agit d’une communauté d’innovateurs sociaux à impact. VoisinMalin est donc plus facilement contacté par d’autres structures pour réfléchir aux synergies entre leurs actions de mobilisation des habitants et les actions de porte-à-porte de VoisinMalin.

Groupe de personnes débattant

Dossier Participation des habitants-usagers-citoyens

Notes:

  • 1 . La politique de la ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité envers les quartiers les plus défavorisés. Elle vise à restaurer l’égalité républicaine et à améliorer les conditions de vie des habitants en mobilisant toutes les politiques publiques. [Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales]
  • 2 . En janvier 2019, les villes d’Evry et de Courcouronnes fusionnent pour former la commune d’Evry-Courcouronnes.
  • 3 . L'équivalent temps plein (ETP) est une unité de mesure correspondant à une charge de travail pour un salarié à temps plein.
  • 4 . Les commanditaires sont les partenaires financiers ou opérationnels associés à la construction des missions de VoisinMalin.
  • 5 . Les compétences psychosociales sont la capacité d'une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C'est l'aptitude d'une personne à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l'occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. [OMS, 1993]
  • 6 . L'activité brise-glace est une brève activité, pouvant prendre une forme ludique, permettant aux participants d'un groupe de faire connaissance et de créer des relations. Elle ouvre la voie à l'apprentissage en mettant l'apprenant à l'aise et en facilitant les interactions. [CPU Montréal, 2020]
  • 7 . « Si vous aviez une baguette magique, qu’est-ce que vous feriez pour les jeunes du quartier ? ». Cette technique a permis de se rendre compte que malgré les différentes fonctions des personnes autour de la table les personnes partagent les mêmes rêves et les mêmes envies pour leur quartier.
  • 8 . Etude réalisée avec un protocole expérimental qui vise à établir un lien de causalité. On compare deux groupes, l’un ayant reçu une intervention (traitement médical, action de promotion de la santé, etc.), et l’autre n’ayant reçu aucune intervention ou un placebo.