Groupe de personnes débattant

Quels savoirs pour la légitimité des représentants de familles de patients

Michel Cortial

En tant que représentants d’usagers en psychiatrie, notre légitimité repose sur nos compétences d’expériences individuelles, l’insertion dans un collectif, l’engagement personnel.

Michel Cortial
Bénévole à l’UNAFAM 92 (délégation des Hauts-de-Seine de l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques)

Michel Cortial accompagne depuis 20 ans un de ses enfants atteint d’un trouble psychique invalidant ; représentant des usagers au sein de l'Établissement Public de Santé Erasme d'Antony, président de la Commission des Usagers de cet établissement.

Ce texte est issu d’un entretien sur la représentation des familles de patients dans le secteur de la psychiatrie, qui sera publié prochainement dans la rubrique « Concepts » du dossier. Il a été réalisé à la suite d’un appel à partage d’expériences lancé par Promotion Santé Ile-de-France et la délégation d’Ile-de-France de France Assos Santé.

Questionner la légitimité des représentants des usagers peut revenir à questionner les savoirs qu’ils peuvent mobiliser dans leurs missions de représentation. Quels sont ces savoirs ?

En tant que représentants bénévoles des usagers de la psychiatrie, notre légitimité, face aux professionnels, repose pour moi sur trois éléments : nos expériences individuelles d’accompagnants, la capitalisation des expériences au sein d’un collectif de familles, enfin un engagement personnel.

Le représentant bénévole de l’UNAFAM n’a pas reçu de formation académique, il n’a pas d’expérience professionnelle dans le champ de la santé mentale. Il a par contre acquis une compétence d’expérience personnelle, à travers un parcours prolongé d’accompagnement d’un proche malade. C'est-à-dire que, pendant des années, le plus souvent il aura vécu au quotidien avec le malade, et que d’autre part il a dû l’aider à « chercher un chemin » au fil de l’évolution de la maladie. Ce chemin aura pu l’amener à solliciter une grande diversité d’institutions dans les champs sanitaire, social, médico-social. Il aura pu par exemple, au fil du temps, avoir recours à la psychiatrie libérale, aux cliniques privées, aux hôpitaux publics, à la MDPH, aux services d’aide sociale, aux structures médicosociales tels que : Établissement et service d'aide par le travail (ESAT), services d’accompagnement, foyers, etc. Il aura souvent connu les difficultés d’accès aux informations, le cloisonnement entre les institutions …

Un deuxième élément, essentiel, de légitimité tient à l’appartenance à une association. Il n’existe pas de représentant des usagers « solitaire », et on sait que les candidatures de représentant des usagers (RU) dans les Commissions des usagers des hôpitaux sont obligatoirement présentées par des associations agréées.

Au sein d’une délégation départementale de l’UNAFAM, à travers les rencontres et les échanges réguliers entre bénévoles, se développe une culture commune, une forme de compétence collective d’expérience. Les situations rencontrées par les bénévoles, les réponses apportées, les informations sur les ressources mobilisables, les histoires de vie, etc., sont largement partagées. Chacun peut ainsi enrichir, dans le concret, sa connaissance des pathologies, et des différentes problématiques liées au handicap psychique : accès au soin, reconnaissance du handicap, accès aux ressources d’existence et aux droits sociaux, accès aux logements ou à l’hébergement, accompagnement, protection juridique (curatelle), accès à l’emploi ou à l’activité, etc. Quels que soient les problèmes qui amènent une famille à se tourner vers l’association (parfois sur la sollicitation de médecins), le dialogue pourra généralement s’établir sur la base d’un vécu partagé, y compris dans des situations lourdes.

Tout cela suppose évidemment qu’un nombre suffisant de bénévoles se considèrent comme réellement engagés, attachés à faire avancer une cause commune, un peu comme une confrérie. Le goût de l’échange entre pairs, la volonté d’insertion dans un collectif, contribuent fortement à renforcer la légitimité du représentant des usagers.

Enfin il y a une compétence liée à un engagement personnel. Etre reconnu légitime demande du temps, de la disponibilité et de l’humilité. Il faut avoir le temps et l’envie d’apprendre, aller chercher les informations, lire, assister à des colloques, saisir chaque occasion de rencontrer des professionnels, etc.

Nous n’avons pas de compétence médicale, il faut une douzaine d’années pour former un praticien hospitalier, mais nous devons être capables de dialoguer avec les médecins et les professionnels, de manière à pouvoir nous positionner en partenaires. Cela suppose un minimum de connaissances sur les pathologies, l’organisation de la psychiatrie, les différentes modalités du soin consenti ou non, l’environnement réglementaire et administratif (de plus en plus lourd), le lien avec le médico-social etc. Le RU peut ainsi, à côté des professionnels, être un « passeur d’informations » en direction des familles. Le dialogue de pair à pair permet d’ailleurs souvent de faire mieux passer certains messages, et de faciliter le dialogue entre patient, médecin et famille.

Pour illustrer ce que peut être un partenariat constructif entre RU et professionnels du soin, je pourrais citer la problématique de la personne de confiance en psychiatrie, telle qu’elle a été abordée il y a quelques années à l’hôpital Erasme. Le taux de déclaration de personnes de confiance par les patients apparaissait anormalement faible, et il était question de l’améliorer. J’ai alors été convié à participer au groupe d’EPP (évaluation de pratique professionnelle) constitué sur le sujet. Le groupe est parti des textes de loi sur la personne de confiance : loi de mars 2002 sur les droits des patients, loi d’avril 2005 (Léonetti) sur la fin de vie. Une réflexion s’est engagée sur l’application spécifique de ces dispositions à la psychiatrie, et j’ai pu y faire valoir le point de vue des familles. Après deux ou trois réunions, nous étions parvenus à une vision partagée, qui s’est traduite par une reformulation de la présentation de la personne de confiance dans le livret d’accueil de l’hôpital, la réalisation d’une affichette d’information à destination des services, l’affirmation du thème comme axe de progrès pour l’hôpital.

Ressources documentaires

Bibliographie

Bibliographie de l'interview et ressources pour aller plus loin

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